Un décret publié cet été précise le calendrier pour l’interdiction à la location des logements les plus énergivores. Il évoque aussi les cas où l’on ne peut pas imposer des travaux à un propriétaire bailleur qui loue un logement avec la mauvaise étiquette.
Le gouvernement entérine le calendrier sur l’interdiction progressive de louer des logements énergivores. Alors que de plus en plus de propriétaires bailleurs s’inquiètent, un décret en date du 18 août 2023 et publié au Journal Officiel du 20 août est venu apporter quelques précisions. Premièrement en matière de calendrier, et deuxièmement sur ce qui peut permettre aux propriétaires de continuer à louer même si la classe énergétique de leur logement n’est plus dans les clous.
En matière de calendrier donc, le texte confirme pour la France métropolitaine :
Au 1er janvier 2025 : interdiction à la location des logements classés G
Au 1er janvier 2028: interdiction à la location des logements classés F
Au 1er janvier 2034: interdiction à la location des logements classés E
Le calendrier et le niveau de diagnostic de performance énergétique (DPE) minimal requis sont en revanche différents en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte. Dans ces collectivités:
Au 1er janvier 2028: interdiction à la location des logements classés G
Au 1er janvier 2031: interdiction à la location des logements classés F
Il n’est donc pas prévu d’interdiction à la location des logements notés E en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.
Ces travaux qui ne peuvent pas être imposés
Par ailleurs, le décret précise dans quels cas le juge ne peut pas imposer des travaux de rénovation au propriétaire qui ne respecterait pas le DPE minimal requis. En effet, si le DPE est au-dessus de la norme, le locataire peut saisir un juge pour que le bailleur se mette en conformité. « Le juge saisi (…) détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux », prévoit ainsi l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989. Il existe toutefois plusieurs exceptions. Déjà en copropriété, on ne peut pas imposer de faire des travaux au propriétaire si ce dernier « démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal ».
Ensuite, le décret du 18 août 2023 vient aussi préciser qu’un juge ne peut pas imposer de travaux dans les deux cas suivants :
- si les travaux nécessaires font courir un « risque de pathologie du bâti » (autrement dit si cela fragilise trop la structure du bâtiment)
- si les travaux nécessaires nécessitent des autorisations d’urbanisme et/ou des permis de construire qui ne sont pas accordés. C’est souvent le cas de vieux immeubles à proximité de monuments historiques par exemple (et donc d’une grande partie des immeubles à Paris), dont l’isolation par l’extérieur n’est pas possible.
Le décret précise ainsi qu’il s’agit des travaux « entraînant des modifications de l’état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l’état des éléments d’architecture et de décoration de la construction », qui ont fait l’objet d’un « refus d’autorisation par l’autorité administrative compétente ».
44% du parc locatif privé concerné d’ici 2034
Pour rappel, le DPE classe de A à G (A étant la meilleure note, G la pire) la performance énergétique des logements. La notion de « passoires thermiques » fait généralement référence aux logements notés F et G. Si globalement, on compte 5,2 millions de résidences principales classées F ou G au 1er janvier 2022 selon le ministère de la Transition écologique, l’interdiction ne concerne que les locations. Or, les offices HLM disposant de moyens financiers plus importants et d’un parc plus récent, les problèmes à venir se concentreront surtout au niveau des propriétaires bailleurs privés.
Au 1er janvier 2022, il y avait ainsi 1,6 million de passoires énergétiques (F et G) dans le parc locatif privé, soit un peu moins de 20% des 8 millions de logements qui composent le parc locatif privé selon les données de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE). Mais à terme, il faudra donc aussi y ajouter les logements du parc locatif privé classés E (interdits à partir de 2034), soit 1,9 million de logements supplémentaires. En tout, ce sont autour de 3,5 millions de logements loués actuellement qui ne seront plus dans les clous en 2034. Soit pratiquement 44% du parc locatif privé.
Le durcissement de la réglementation sur les locations en fonction du DPE est déjà amorcé. Depuis le 24 août 2022, les propriétaires n’ont plus le droit d’augmenter les loyers des biens classés F ou G. Et depuis le 1er janvier 2023, les logements les plus énergivores (les « G + », qui ne sont qu’une petite partie des logements G) sont interdits à la location. Mais cela ne concerne que 140.000 logements dans le parc locatif privé (avec une consommation d’énergie finale supérieure à 450 KWh/m²/an), toujours selon l’ONRE. C’est donc surtout à partir de 2025 que l’interdiction à la location risque de faire chuter l’offre disponible.
« Intenable » pour la Fnaim
Pour la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), ce calendrier est « intenable », en particulier pour les copropriétés. Dans ces dernières, il faut généralement plusieurs années d’assemblées générales avant de lancer des travaux de cette envergure. Pour une maison, cela est plus rapide mais il faut disposer des moyens nécessaires et trouver des artisans qualifiés dans les délais. D’ici 2025, il paraît ainsi extrêmement improbable que les bailleurs privés puissent faire les travaux nécessaires. D’ailleurs, nombre d’entre eux préfèrent vendre leur bien à des ménages qui habiteront le logement (et ne seront donc pas concernés par l’interdiction à la location). Ou alors ils passent en location saisonnière de type Airbnb, car ce type de location n’est toujours pas concerné par l’interdiction à la location, malgré les promesses de l’exécutif. On assiste en tout cas à un afflux de mises en vente de passoires thermiques depuis début 2022.
Alors que le marché locatif est déjà très tendu, et que la construction de logements neufs s’écroule, trouver une location pourrait devenir mission impossible ou presque dans le parc privé à compter de 2025. Et l’interdiction à la location pourrait se heurter au mur de la réalité: des locataires qui préfèrent avoir un toit au-dessus de leur tête, quitte à ce que leur logement ne respecte pas les normes.